Le genre dans les projets d’accès à l’eau et à l’assainissement
Depuis 1995 – et la conférence de Beijing – il a été démontré que la prise en compte des questions de genre dans les projets de développement permet d’en améliorer l’impact. Cette approche doit se comprendre comme le fait de prendre en compte les besoins et contraintes spécifiques des femmes et des hommes, mais aussi des jeunes filles et des jeunes garçons dans la définition des objectifs et des actions à mener pour les atteindre. Ces différences sont certes d’ordre biologique, mais aussi sociétales, en ce sens que les communautés imposent très souvent des normes particulières assignant des rôles et attitudes qui obligent les uns ou les autres.
Dans le contexte de l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène, les besoins et contraintes spécifiques des femmes et jeunes filles sont particulièrement importants. En effet, elles sont à la fois responsables des corvées d’eau et ont une nécessité personnelle en matière d’accès aux latrines. Les femmes sont les premières utilisatrices des systèmes d’eau, d’assainissement et d’hygiène, en raison des rôles sociaux qui leur sont attribués par les sociétés patriarcales : en charge de la famille, du soin aux enfants et aux personnes âgées, de la préparation des repas, etc., elles assument des tâches qui les confrontent à l’usage, la dégradation et la protection des ressources naturelles et des équipements. La question du budget de la famille enfin est aussi centrale dans la gestion des tâches d’eau, d’hygiène et d’assainissement : si les femmes en ont généralement la charge, il ne va pas de soi qu’elles gèrent les dépenses liées à ces tâches, ce qui peut créer des conflits d’accès aux ressources.
Pourtant les femmes sont en général peu ou pas du tout présentes dans les instances de décision communales où se décident les choix des infrastructures.
C’est pourquoi HAMAP-Humanitaire veille avec ses partenaires à avoir des espaces de dialogue dédiés avec elles pour connaître leurs besoins pour l’emplacement des bornes fontaines, pour l’établissement du prix de l’eau et des redevances. Notre ONG tâche aussi de promouvoir des postes de représentation des femmes dans les associations de gestion des ouvrages.
Il est aussi essentiel d’inclure les femmes les plus vulnérables dans la définition même des projets. En effet dans certains pays celles-ci sont régulièrement agressées et abusées lorsqu’elles s’éloignent et s’isolent, que ce soit pour aller chercher de l’eau sur des lieux lointains ou pour des besoins naturels. C’est le cas dans la région du Tamil Nadu en Inde où HAMAP-Humanitaire avec son partenaire mène des actions d’accès à l’assainissement. Pour tenter de remédier à ces différents problèmes, le projet a prévu de créer ou rénover des latrines familiales, des latrines publiques et de produire localement des protections hygiéniques, accessibles à toutes, pour contrer la précarité menstruelle.
L’accès à l’assainissement et à l’hygiène est aussi indispensable dans le cadre scolaire, puisque le manque d’infrastructures décentes constitue l’une des causes principales de leur abandon scolaire à l’âge de la puberté. Les menstruations et le besoin d’accéder à des lieux clos avec de l’eau disponible restant encore un sujet tabou, les personnes chargées de la conception des systèmes d’assainissement, souvent des hommes, ne prennent pas en considération ce besoin spécifique aux femmes et aux filles.
Enfin, il est à noter que le travail des femmes étant majoritairement informel, leur charge de travail dans la gestion des latrines et de la collecte de l’eau ne sont pas suffisamment pris en compte dans les cadres nationaux eau, assainissement et hygiène. Les carrières de formations sectorielles restent dominées par les hommes, ce qui tend à rendre difficile une évolution de fond de ces inégalités.
HAMAP-Humanitaire a identifié plusieurs axes d’amélioration pour mieux prendre en compte l’équité de genre dans les projets et s’assurer d’un impact positif pour chacun.
L’intégration du genre dans les projets eau, assainissement et hygiène peut se révéler complexe. La méfiance des hommes en place, le poids des traditions socio-culturelles, le fort taux d’analphabétisme des femmes ainsi que leur invisibilité dans la sphère publique et décisionnelle constituent les principales difficultés rencontrées à l’assimilation de ce paramètre dans les projets. Afin de surmonter ces problèmes, des outils de résolutions ont été mis en évidence. Tout d’abord il est essentiel de s’assurer que l’équipe porteuse du projet est convaincue de l’intérêt de l’approche genre, et qu’un diagnostic est posé, dès le montage du projet, basé sur une analyse spécifique des besoins et des contraintes des femmes et des hommes. Cela se fait lors des études socio-économiques spécifiques. C’est à partir de ce diagnostic qu’une prise de conscience peut se faire et que des objectifs et activités adaptées peuvent ainsi être définis. Ensuite l’évaluation finale peut aussi mettre en valeur l’impact d’une approche plus inclusive, encourageant ainsi dans la gestion au long cours des infrastructures des responsabilités partagées entre les femmes et les hommes.