Un entretien avec Franck Gonsse, conseiller communautaire chargé des Affaires maritimes et portuaires et des coopérations internationales
Pouvez-vous nous décrire le projet actuel entre la CUD et le Gouvernorat de Ngazidja ?
Le principal projet de la coopération qui nous lie avec le Gouvernorat de Ngazidja est un projet d’adduction qui devrait nous conduire à assurer l’alimentation en eau de 6 villages de la Commune d’Itsahidi dans le sud de l’ile de Ngazidja. Mené grâce au soutien de l’AFD et de plusieurs collectivités et agences de l’eau (AEAP, AERMC), le projet qui comprend deux composantes vise, à partir du forage de Midjendéni, à installer toutes les infrastructures nécessaires à la distribution de l’eau dans les villages du ressort d’Itsahidi comprenant notamment la pose de 10 km de canalisation et la formation d’une entité de gestion capable d’assurer l’exploitation et l’entretien de l’ensemble du système.
Pourquoi avoir décidé de mettre en place une coopération décentralisée ?
Dunkerque est la troisième ville comorienne de France et accueille, depuis près de cinquante ans, une diaspora comorienne active et créative. Arrivée à Dunkerque par le truchement du commerce maritime mondial, elle s’est enracinée à Dunkerque et a beaucoup donné au développement de notre port et de nos industries. Ayant fait souche, elle n’en a pas, pour autant, oublié l’archipel. C’est elle qui a été à l’origine du développement de la coopération décentralisée entre la Communauté urbaine de Dunkerque et le Gouvernorat de Ngazidja.
Pourquoi avec le gouvernorat de Ngazidja ?
Nous voulions coopérer avec une entité comparable à la nôtre, même si l’Ile de Ngazidja est trois fois plus grande que le territoire communautaire et deux fois plus peuplée. L’idée était de nous hisser à la hauteur du gouvernorat alors que l’organisation politique et administrative de l’Union des Comores était, jusqu’à peu, très centralisée. Participer à la décentralisation des Comores faisait aussi écho à notre propre histoire alors que nous sommes la plus ancienne communauté urbaine volontaire de France.
Pourquoi avoir choisi de travailler avec HAMAP-Humanitaire ?
L’association HAMAP – Humanitaire est venue vers nous en 2019 avec
un projet visant à développer l’accès à l’eau dans la région du Banidji-Est. Agglomération particulièrement engagée dans le domaine des transitions et de la préservation des ressources, nous avions, nous même, le désir de développer notre coopération sur ce thème alors que l’accès à l’eau aux Comores est un vrai enjeu de développement et de santé. Nous appuyant sur l’expérience de l’ONG qui a mené d’autres projets de même nature ailleurs en Afrique, nous nous sommes engagés en concevant un projet d’ampleur devant, à terme, alimenter entre 15 000 et 20 000 habitants.
Est-ce que la CUD a d’autres coopérations décentralisées où elle travaille sur des projets de développement ?
Notre coopération avec l’Ile de Ngazidja est principalement orientée sur le thème de l’eau mais à travers ce projet, nous abordons également les champs relatifs à la formation
des agents du Gouvernorat et plus généralement aux renforcements des capacités de la collectivité. Nous avons aussi répondu dernièrement
à la demande du Gouvernorat pour l’aider à faire face à l’épidémie de Covid en lui envoyant, avec le conseil départemental de Seine-Saint-Denis, un demi-million de masques sanitaires et 7 tonnes de gel hydro-alcoolique. Nous voulons également que nos concitoyens et notamment les jeunes de l’agglomération, participent à ces engagements internationaux. Une petite dizaine d’entre-deux participera d’ailleurs au chantier d’adduction en eau d’Itsahidi, dans le cadre de nos politiques de soutien à la mobilité internationale des jeunes.
La Communauté urbaine est également engagée dans d’autres coopérations sur différents
volets. Ainsi, dans le cadre de sa coopération avec le Liban, nous accompagnons avec l’appui de notre agence d’urbanisme un groupe de municipalités dans ses efforts de structuration notamment dans le secteur de la planification urbaine avec à la clé, la création d’une agence de développement territorial. Sur le plan européen et après la mise en œuvre du Brexit, nous avons signé un accord de coopération avec la ville irlandaise de Rosslare avec laquelle nous avons l’ambition de développer des liens économiques et sociaux forts après l’ouverture de plusieurs lignes maritimes entre nos deux ports.
Un premier échange de jeunes aura lieu en février 2023. Plus récemment, nous avons décidé de nous engager aux côtés de la ville ukrainienne de Bucha, pour l’aider à affronter la rude épreuve qu’elle subit et l’avons invitée à rejoindre le réseau international des “Villes mémoires” que nous avons créés en 2016. Celui-ci réunit des villes d’Europe et du monde qui ont subi des destructions du fait de la guerre et qui se sont reconstruites. En plus de Bucha, nous y retrouvons des villes comme Gdansk (PL), Rostock (D), Ypres (B) Guernica (E), Bizerte (TN), ou encore Haewsong (Corée du Sud). Dans le cadre de ce réseau, nous échangeons sur les thèmes de la résilience en rendant compte des innovations et des expérimentations menées ici ou là pour dynamiser nos territoires dans leurs aspects urbains mais également sociaux.
Vous le savez, notre territoire accueille un grand port maritime ouvert sur le monde. Il entend, de fait, s’inscrire dans le mouvement international avec pour volonté de participer à l’ordre du monde comme il le fait depuis des siècles.
Comment la CUD intègre-t-elle ses actions de coopération sur son territoire ?
La CUD mobilise ses services et l’expertise de ses personnels en essayant de trouver matière dans ses propres projets structurants et des réseaux qu’elle développe. Chef de file du réseau des Villes Mémoires, Dunkerque a ainsi en écho à son projet de réhabilitation des façades de son centre-ville accompagné la commune de Bizerte, notre ville partenaire de Tunisie, dans un projet équivalent dans son vieux port antique. Nous avons également accompagné Bizerte dans la réforme de sa stratégie de collecte des déchets et cela parallèlement à nos propres projets de refonte du système de collecte chez nous. Il reste que nous avons encore beaucoup d’efforts à fournir pour mieux communiquer sur nos actions et les rendre plus proches des habitants de notre territoire et de sa dynamique économique.
C’est pourquoi nos coopérations se renouvellent aujourd’hui en lien avec ces dynamiques et donnent notamment une place plus grande à la jeunesse dans nos engagements internationaux. La mobilité internationale des jeunes constitue d’ailleurs aujourd’hui un axe fort de notre politique qui s’est traduit par la création de plusieurs dispositifs dont le programme Odyssée qui vise notamment à donner l’opportunité aux jeunes dunkerquois de découvrir le monde.