Projet pour un Sinjar plus sûr
Le Sinjar est situé à l’ouest du gouvernorat de Ninewa et occupe une frontière avec le nord-est de la Syrie à l’ouest et la région du Kurdistan au nord-est. Sa position géopolitique stratégique l’a rendu très vulnérable depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, et de nombreux changements de pouvoirs s’y sont produits. En conséquence, sa position en fait une zone qui a connu des années de conflit, entraînant un déplacement important de sa population d’origine ainsi qu’une contamination significative par des engins explosifs.
Le district de Sinjar était autrefois habité par plus de 500 000 personnes appartenant à des groupes religieux et ethniques divers ; néanmoins, le district est bien connu comme étant la patrie majoritairement dominée par les Yézidis. Les Yézidis font partie des populations les plus anciennes de Mésopotamie, où leur croyance est apparue il y a plus de quatre mille ans. Groupe historiquement incompris, les Yézidis sont principalement d’ethnie kurde et ont conservé leur religion syncrétique pendant des siècles, malgré de nombreuses années d’oppression et de menaces d’extermination. De fait, depuis la nuit des temps, les autres religions ont eu une mauvaise interprétation de leur culte. Les Yézidis ont d’ailleurs été dénoncés comme des infidèles par Al-Qaida en Irak, prédécesseur de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (ISIS), qui a approuvé leur massacre aveugle.
En effet, le 3 août 2014, l’Etat Islamique a conquis Sinjar et a lancé des campagnes de meurtres de masse contre les Yézidis, laissés pour compte. La plupart de des habitants ont fui pour échapper à l’Etat Islamique et ceux qui sont restés ont été tués ou réduits en esclavage. Selon les estimations des Nations unies, plus de 5 000 hommes ont été tués dans des massacres graves et 7 000 femmes et filles ont été réduites en esclavage sexuel, sans compter les 3 000 filles, femmes et enfants portés disparus, comme l’a indiqué le département des affaires yézidies du ministère des Awqaf et des affaires religieuses du gouvernement régional du Kurdistan, en novembre 2018.
Les années de conflit en Irak ont provoqué un nombre considérable de déplacements. Au plus fort de la crise, en mars 2016, le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays a atteint près de 3,5 millions de personnes, et beaucoup d’entre elles ont été réinstallées dans les camps de personnes déplacées interne. Au cours de l’été 2017, de nombreuses personnes déplacées ont décidé de s’enregistrer en vue d’un retour volontaire vers leur terre d’origine, mais cette tendance s’est progressivement ralentie au cours de l’été 2018. Par la suite, en octobre 2020 et janvier 2021, 14 camps de déplacés internes situés en Irak fédérale ont été fermés par décision du gouvernement. Selon le rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) intitulé Humanitarian Needs Overview Iraq publié en février 2021, 65 000 personnes déplacées ont ainsi quitté les camps entre août 2020 et janvier 2021.
La décision du gouvernement fédéral irakien de fermer les camps n’a pas été suivie par le gouvernement régional du Kurdistan (GRK). Il y existe encore 25 camps qui abritent au total plus de 180 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays. La plupart des camps situés dans le gouvernorat de Dohuk sont occupés par des Yézidis du district de Sinjar.
Le nord du district de Sinjar et la ville de Sinjar ont été libérés de l’Etat Islamique en 2015, le sud de la montagne de Sinjar a été libéré en avril 2017.
Marché détruit de la ville de Sinjar (Andrea DiCenzo pour NPR)
Cependant, la majorité des 500 000 Yézidis déplacés à la suite des attaques de 2014 ne sont toujours pas rentrés chez eux. Beaucoup ne veulent en effet pas retourner au Sinjar. Ce choix s’explique notamment par le manque de services de base, de la fragilité de la sécurité et de l’instabilité politique qui y règne.
Depuis la libération de Sinjar de l’ISIS en 2015, de nombreuses ONG internationales et locales y ont étendu leurs efforts humanitaires pour répondre aux besoins.
La contamination des terres par les engins explosifs au Sinjar est l’une des principales conséquences des années de conflit, et provoque toujours de graves conséquences socio-économiques pour les populations du Sinjar restées ou revenues, mais empêche également les personnes toujours déplacées de revenir. En effet, au-delà des conséquences physiques, psychologiques provoquées par les accidents, la présence des engins explosifs entrave les possibilités d’une reprise de l’économie, qui reposait fortement sur l’agriculture, et qui permettrait de meilleures perspectives de vie au retour.
En réponse, HAMAP-Humanitaire et son partenaire SHO ont lancé un projet dans la région depuis aout 2021. Ce projet a pour ambition de sensibiliser les populations du Sinjar aux dangers des engins explosifs, de dépolluer les terres contaminées, tout en renforçant les compétences de notre partenaire local SHO.