Un entretien avec André Viola, vice-président de la Commission nationale de la coopération décentralisée et conseiller départemental de l’Aude
Pourquoi une collectivité devrait mettre en place une coopération décentralisée avec un pays en développement ? Quels sont les avantages pour une collectivité française ? Et pour la collectivité étrangère ?
Les collectivités territoriales françaises ont une longue histoire avec la coopération internationale. Elles sont aujourd’hui reconnues comme un acteur à part entière de la politique étrangère française et contribuent de manière significative à l’Aide Publique au Développement de la France. L’ouverture internationale des territoires revêt un caractère essentiel qui mêle l’interculturalité à la richesse des partenariats internationaux, le développement économique, social et durable des territoires. En menant une action internationale, les collectivités françaises participent à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) fixés par les Nations Unies au plan mondial. C’est aujourd’hui une nécessité afin de promouvoir un monde basé sur la justice sociale, la paix, la démocratie et les droits de tous les habitants de la planète, la protection de l’environnement…
L’action internationale de la collectivité fait partie intégrante de la politique de développement de son territoire et doit s’inscrire dans une politique à moyen et long termes aux objectifs clairs. Elle englobe la coopération décentralisée, le développement stratégique à l’international, le soutien aux acteurs locaux de la solidarité internationale, la mobilité internationale des jeunes, etc. A travers leurs partenariats de coopération décentralisée, les collectivités françaises et leurs partenaires s’enrichissent d’échanges d’expériences et de bonnes pratiques à l’échelle locale. Elles promeuvent des actions de solidarité co- construites et connectées au territoire. Elles renforcent les compétences des agents et des professionnels du territoire, pour répondre aux sollicitations internationales.
En tant qu’élu, êtes-vous en charge d’une ou plusieurs coopérations décentralisées ?
Avec des collectivités du Burkina Faso, de l’Equateur et du Pérou, de Palestine, de Tunisie, du Liban, le Département de l’Aude a constitué un référentiel d’actions et d’échanges d’expériences avec comme indicateurs communs, l’agenda 2030. Politiques sociales, droits de l’homme, lutte contre le changement climatique, gestion de la ressource en eau, protection de l’environnement voici quelques thématiques d’actions de coopération décentralisée du Département de l’Aude. Depuis la Communauté de Communes de la Piège, Lauragais et Malpère, nous avons lancé un programme autour de l’assainissement avec la commune de Foundiougne. Ces actions seraient menées en collaboration avec les communes sénégalaises et l’Agence Régionale de Développement de Fatick. Des échanges entre des jeunes audois et des jeunes sénégalais viennent alimenter la démarche autour de la gestion raisonnée des ressources en eau.
Quelles sont les difficultés qu’une collectivité peut rencontrer
lors d’une coopération décentralisée ?
La pandémie du COVID 19 a contraint nombre de collectivités à repenser le mode de “faire coopération”. Nous avons dû nous adapter, différer ou annuler des déplacements ou l’accueil de délégations étrangères, pourtant prévus de longue date. Pendant cette période de la pandémie les collectivités ont redoublé d’efforts et d’imagination pour inventer d’autres façons de maintenir les liens avec nos partenaires, et nous projeter malgré tout pour faire vivre ces échanges, imaginer des actions. Ces actions de coopération décentralisée n’ont de sens que si elles s’inscrivent dans une perspective de durabilité. Les projets doivent non seulement aider à résoudre les problèmes courants mais également permettre aux populations locales de les inscrire dans les perspectives de développement sur le long terme (et très généralement dans une vision durable du développement). Il est parfois difficile de mesurer le “retour sur investissement” de la coopération décentralisée. Néanmoins, en fonction de la taille et des compétences de la collectivité, des indicateurs permettent d’estimer l’effet levier que représente la mobilisation d’argent public, par la collectivité, sur l’ensemble de ses actions à l’international, et d’en rendre compte auprès des administrés.
Dans le contexte de changement climatique quels sont les apports de la coopération décentralisée en matière de gestion durable des ressources en eau ?
La gestion des ressources hydriques, l’accès à l’eau, l’assainissement, sont des enjeux non seulement environnementaux mais qui ont des conséquences en matière de justice sociale, de santé, de sécurité. L’Agenda 2030 des Nations unies fait de l’eau un objectif à part entière (ODD6).
La coopération décentralisée, très active et diversifiée dans ce domaine, apporte une contribution concrète, répondant aux besoins exprimés par les collectivités locales partenaires, pour apporter des solutions afin
de répondre aux défis posés par le changement climatique, l’utilisation inappropriée de l’eau, l’urbanisation galopante, et tant d’autres problématiques liées à la gestion du cycle de l’eau. Les collectivités françaises disposent d’un outil pour leurs projets dans le domaine de l’eau : le cadre d’intervention institué par la loi “Oudin-Santini” (2005) qui leur permet de consacrer jusqu’à 1% de leurs ressources eau et assainissement pour mener des actions de solidarité à l’international. En tant qu’élu local, je suis très attentif à ce que l’objectif de 1% soit atteint et au développement de “l’exemplarité” dans les projets qui sont menés. J’ai ainsi contribué autant que possible à mettre en œuvre, dans les collectivités que j’ai eu à gérer, des coopérations dans les domaines de l’eau potable et de l’assainissement.
A quel moment une collectivité décide de faire appel à une ONG comme HAMAP-Humanitaire ?
Les collectivités territoriales ont recours à un opérateur comme HAMAP-Humanitaire pour les accompagner, ainsi que leurs partenaires, dans leur cheminement d’échanges et de partenariats de coopération décentralisée. L’intervention de l’ONG facilite la mise en œuvre du projet par un soutien méthodologique sur les modalités d’intervention, les moyens d’appropriation pour la collectivité, le cahier des charges, le calendrier, etc. En outre, l’accompagnement d’HAMAP-Humanitaire permet de renforcer le volet de recherche de subventions avec une meilleure identification des bailleurs de fonds adéquates au projet. Basé sur des relations de confiance et de travail, le Département de l’Aude travaille avec HAMAP-Humanitaire dans le cadre de deux coopérations décentralisées dans le domaine de l’eau en Palestine et en Tunisie. L’engagement des équipes auprès de notre collectivité et leurs connaissances des problématiques du terrain nous ont permis d’accélérer considérablement le rythme de nos programmes de coopération décentralisée.