Mission ACM en Casamance : former, sensibiliser et identifier les populations locales
Un territoire marqué par le conflit
Depuis plus de 40 ans, la Casamance, région située au sud du Sénégal, est marquée par un conflit opposant le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC) à l’État sénégalais. Ce conflit, débuté en 1982, a laissé derrière lui une lourde empreinte, notamment à travers la contamination du territoire par des mines antipersonnel et autres engins explosifs. Ces dispositifs, disséminés au fil des affrontements, constituent aujourd’hui encore une menace majeure pour les populations locales et entravent le développement de la région.
Face à cet enjeu, HAMAP-Humanitaire, en partenariat avec l’Association pour la Promotion des Initiatives Territoriales (APIT) et le Centre National Anti-Mines du Sénégal (CNAMS), a mené un projet d’Action contre les Mines (ACM) dans le département de Bignona, plus particulièrement dans la zone du Nord Sindian. En un an d’action, le projet a permis d’identifier les zones dangereuses, de former les acteurs locaux face à ces enjeux et de sensibiliser les populations aux risques des engins explosifs. Alors que cette première phase touche à sa fin, les résultats obtenus ouvrent la voie aux prochaines étapes.
Des mines aux conséquences dramatiques pour les populations
Les engins explosifs représentent un danger constant puisque chaque déplacement peut devenir un risque mortel pour les populations locales. Mais la présence de mines en Casamance ne se limite pas à une question de sécurité, elle affecte profondément la vie quotidienne des habitants et habitantes et freine le développement de la région. L’inaccessibilité des terres agricoles empêche de nombreuses familles de cultiver leurs champs, aggravant l’insécurité alimentaire et la pauvreté. En raison des combats et des mines, certaines zones ont été désertées, notamment près de la frontière avec la Gambie et la Guinée-Bissau. Ces déplacements forcés ont déstructuré le tissu social et ralenti la reconstruction des communautés. Les échanges informels avec les habitants et habitantes révèlent une détresse persistante et une grande attente vis-à-vis des initiatives de sécurisation du territoire.
Le projet ACM : former, sensibiliser et identifier
Depuis le 1er décembre 2023, HAMAP-Humanitaire et son partenaire APIT ont déployé un ensemble d’actions pour répondre à cette crise :
Renforcement des compétences locales : sept agents de liaison communautaire, technicien d’APIT, dont deux femmes, ont été formés par des experts d’HAMAP-Humanitaire. Originaires de la région de Ziguinchor, ils maîtrisent plusieurs langues locales (diola, mandingue, peulh), facilitant ainsi la transmission des messages de prévention au sein des communautés.
Sensibilisation des populations : plus de 10 000 personnes ont été informées directement des dangers des mines, tandis que des campagnes radiophoniques ont touché près de 400 000 habitants et habitantes. La sensibilisation s’est faite via des sessions en plein air, notamment dans les écoles, avec des présentations interactives d’environ quarante minutes.
Identification des zones dangereuses : quatre-vingt-sept localités ont été visitées dans l’arrondissement de Sindian, aboutissant à l’identification de vingt-neuf zones dangereuses couvrant une superficie totale de plus de 900 000 m².
Cependant, plusieurs obstacles ont dû être surmontés : l’éloignement des zones d’intervention (2 à 4 heures depuis Ziguinchor), des accès rendus difficiles par la saison des pluies et par les routes étroites et, dans certains cas, la réticence des populations à divulguer des informations sur la présence de mines.
Quelles perspectives pour la suite ?
L’identification des zones dangereuses n’est que la première étape. Pour garantir un retour à la normale et permettre aux populations de vivre en sécurité, il est indispensable de poursuivre le projet. Une seconde phase, comprenant des opérations de déminage, est envisagée, mais reste conditionnée par l’obtention des financements nécessaires.
D’autres zones contaminées, notamment dans la région de Sédhiou, pourraient également bénéficier d’initiatives similaires. L’importance de telles actions ne se limite pas à l’élimination des mines, mais repose aussi sur la formation d’experts locaux. En renforçant les compétences des acteurs de terrain, on réduit le risque d’ingérence mal adaptée aux réalités locales et on assure une prise en charge durable de la problématique des mines.
Des projets comme celui mené par HAMAP-Humanitaire sont essentiels pour reconstruire la région, restaurer la confiance des populations et leur offrir la possibilité de reprendre pleinement possession de leur territoire.