La mission d’HAMAP-Humanitaire en Palestine : travailler pour l’accès à l’eau dans un contexte de conflit

En Palestine, HAMAP-Humanitaire est sollicitée depuis plus de 10 ans par des collectivités territoriales françaises afin de mettre en œuvre une coopération avec les autorités palestiniennes pour améliorer l’accès à l’eau et à l’assainissement des populations. Nos missions ont toujours dû s’adapter au contexte de l’occupation de la Palestine par Israël, à la gestion de l’eau qui en découlait et aux répercussions que cela a sur nos opérations. Grâce au maintien du soutien et de la confiance de ses bailleurs, HAMAP-Humanitaire reste aux côtés de ses partenaires locaux et des populations, et souhaite mettre en œuvre tous les moyens dont elle dispose afin de maintenir ses missions malgré ce contexte difficile. 

Accès à l’eau à Jalboun, une mission freinée par la guerre

Depuis 2020, le département de l’Aude, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et HAMAP-Humanitaire travaillent aux côtés de la municipalité de Jalboun, un village de 3 300 habitants isolé au nord de la Cisjordanie par le mur de séparation et des zones militaires israéliennes. Ici, la situation hydrique est dramatique. Jalboun est l’un des derniers villages palestiniens dépourvus de système de distribution d’eau. Les habitants dépendent des camions-citernes pour leur approvisionnement, une situation aggravée par l’annexion des principales sources d’eau par Israël. La guerre a étouffé encore un peu plus ce village avec le renforcement des checkpoints et le bombardement des infrastructures. 

Hani, partenaire d’HAMAP-Humanitaire travaillant sur place nous raconte : « […] Le conflit a considérablement détérioré l’approvisionnement en eau. Les infrastructures hydrauliques ont été endommagées à plusieurs reprises, entraînant des pénuries fréquentes. […] L’eau est transportée dans des camions qui ne respectent pas les normes sanitaires : l’eau est exposée à la pollution pendant le transport et même lors de son stockage dans des citernes domestiques non saines. Les habitants souffrent de cette dégradation de la qualité de l’eau, qui entraîne de nombreux problèmes de santé, surtout chez les enfants qui sont particulièrement vulnérables.”»

La construction d’un château d’eau et d’un réseau était en cours par l’Autorité palestinienne et permettait d’envisager le raccordement de 100% du village. Notre action consistait en la mise en œuvre d’un service public de l’eau et d’échanges de compétences avec les acteurs locaux sur le plan institutionnel et technique. Dans le cadre de cette coopération décentralisée, nous avions bon espoir d’aider cette communauté à accéder à un droit fondamental, celui de l’accès à l’eau. 

Mais la guerre a tout bouleversé. Les travaux du château d’eau ont été brutalement interrompus et le projet a été suspendu avant même son aboutissement. L’entreprise en charge des travaux n’a pas pu continuer et, pire encore, le matériel a été réquisitionné par les autorités israéliennes. Malgré ces obstacles, notre détermination n’a pas vacillé. Les bailleurs et HAMAP-Humanitaire souhaitent rester aux côtés de leurs partenaires locaux. Après des échanges entre tous les acteurs, il est envisagé de réorienter les efforts de la coopération vers l’achèvement de la construction du château d’eau et la pose des premiers tronçons de réseau pour répondre à l’urgence. La structuration d’un véritable service public de l’eau à Jalboun ne pouvant avoir lieu que lorsque les conditions le permettront. 

Il est essentiel que l’accès à des ressources vitales comme l’eau soit protégé et ne soit pas entravé par des obstacles quels qu’ils soient. Notre engagement doit se poursuivre, pour préserver la dignité et les droits fondamentaux des populations.

Beit Fajjar : une coopération décentralisée contre la crise économique, sociale et humanitaire

Depuis 2018, la Commune de Lescar, soutenue par plusieurs syndicats d’eau et d’assainissement de son territoire, la Région Nouvelle-Aquitaine, l’Agence de l’Eau Adour Garonne et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et HAMAP-Humanitaire accompagnent les 14 000 habitants de Beit Fajjar, une ville du sud de la Cisjordanie, pour améliorer l’accès à l’eau potable et renforcer les infrastructures locales. Cette coopération décentralisée, ancrée dans une relation de confiance entre les autorités locales et les bailleurs, s’est déployée en trois phases distinctes. En Palestine, la Municipalité de Beit Fajjar, la Palestinian Water Authority, et le Consulat Général de France à Jérusalem sont nos principaux partenaires dans la mise en œuvre de ce projet essentiel.   

Dans les deux premières phases, nous avons élaboré un schéma directeur pour la ville et réalisé des travaux cruciaux, tels que la construction d’un réservoir de 100 m³, l’extension et la rénovation du réseau, et l’installation de pompes de surpression pour assurer une distribution suffisante. Plus de 9 kilomètres de conduites ont été posées pour raccorder les habitations au réseau d’eau, et 600 compteurs d’eau individuels à gestion télémétrique ont été installés. Parallèlement, nous avons renforcé les compétences locales grâce à des échanges d’expérience avec les élus et agents de Beit Fajjar, incluant des visites en France et des formations sur la gestion et l’exploitation des infrastructures. 

Fortes de ces années de collaboration et malgré la dégradation du contexte géopolitique, nos actions se poursuivent avec une troisième phase en cours. Les travaux de rénovation et d’extension du réseau d’eau continuent. Le programme de renouvellement des compteurs d’eau se développe également, avec l’acquisition d’un parc de compteurs plus modernes. La régie de Beit Fajjar sera équipée d’un nouveau véhicule d’intervention, essentiel pour une réponse rapide aux urgences hydrauliques. Cette nouvelle phase ouvre un horizon plus large : l’assainissement. La ville ne disposant pas d’un réseau collectif, elle repose encore sur des fosses septiques vétustes et mal gérées, posant de sérieux problèmes de santé publique. Nous souhaitons donc lancer un diagnostic territorial pour concevoir un système d’assainissement collectif adapté, qui marquera une avancée décisive pour l’avenir de la ville.

HAMAP-Humanitaire et Beitunia : 10 ans de coopération durable 

La coopération avec les autorités de Beitunia constitue la relation la plus ancienne qu’HAMAP Humanitaire et ses bailleurs aient établie en Palestine. Portée par la Collectivité Eau du Bassin Rennais, avec le soutien de l’Agence Française de Développement, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne ou encore le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, notre intervention vise à répondre aux besoins des 40 000 habitants en matière d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. 

Notre action a d’abord consisté à un appui financier et technique autour de la réhabilitation et l’extension du réseau d’eau, particulièrement en direction des habitats situés en zone C, sous contrôle administratif et militaire israélien. Plus récemment, la coopération a permis le remplacement de tronçons de canalisations vétustes en centre-ville, de l’adduction principale sous dimensionnée, et la rénovation du réservoir de la ville (500m3) qui était inopérant depuis plusieurs années. Une autre partie essentielle de notre action a consisté en la formation des acteurs locaux. Des missions d’échanges ont été mises en œuvre entre élus et techniciens de Beitunia et ceux d’Eau du bassin Rennais, favorisant le partage des pratiques en matière de gestion de l’eau et de gouvernance. Enfin, nous avons mis en place des études de terrain pour mieux comprendre les besoins spécifiques de la population en matière d’eau et d’assainissement. Grâce à ces études, nous avons pu identifier les problématiques d’assainissement auxquelles Beitunia est confrontée, notamment l’absence d’un réseau collectif. Actuellement, les eaux usées sont transportées par camion et non traitées, posant des risques de pollution et d’impact sur la santé publique. 

Comme dans nos autres projets en Palestine, l’occupation d’Israël et la guerre exercent des obstacles à l’accès à l’eau pour les populations. Nael, partenaire HAMAP-Humanitaire sur place nous raconte : « […] Toutes les ressources en eau sont totalement contrôlées par l’occupation israélienne, ce qui signifie que tout investissement dans l’infrastructure de l’eau est interdit. [Depuis le début de la guerre], nous avons constaté une baisse significative des quantités d’eau provenant d’Israël, le seul fournisseur, ce qui a obligé le distributeur d’eau de Beitunia et de Ramallah à établir un calendrier pour essayer de partager équitablement l’approvisionnement limité entre tous. Malheureusement, cette situation a provoqué des tensions au sein de nos communautés. De nombreux citoyens de Beitunia ont dû se résoudre à aller chercher de l’eau dans des sources dangereuses, comme l’eau de pluie et les sources qui se trouvent principalement dans la zone C, contrôlée par le gouvernement israélien. Il est très difficile d’obtenir l’autorisation d’accéder à ces zones. En conséquence, le prix de l’eau a augmenté et de nombreuses personnes sont désormais contraintes d’acheter de l’eau en bouteille pour satisfaire leurs besoins essentiels.»

Malgré la dégradation du contexte géopolitique, HAMAP-Humanitaire souhaite maintenir ce projet afin de préserver cette relation privilégiée et de longue date avec Beitunia. Les études réalisées lors la dernière phase du projet nous ont aujourd’hui permis de concevoir un nouveau projet d’assainissement collectif qui améliorera les conditions sanitaires des habitants de Beitunia sur la période 2025-2027.  Nous sommes heureux de constater le soutien renouvelé de l’ensemble des partenaires techniques et financiers mobilisés au cours des précédentes phases, auxquels viennent s’associer Rennes Métropole et la Municipalité de Ramallah. 

Un contexte géopolitique déterminant dans les questions d’accès à l’eau en Palestine 

L’accès à l’eau en Palestine est un enjeu crucial qui est profondément affecté par le contexte de guerre et la politique israélienne qui a entravé la souveraineté palestinienne. Depuis des décennies, Israël instrumentalise la question de l’eau pour asseoir sa domination sur les territoires palestiniens, privant les Palestiniens de leur droit fondamental à cette ressource vitale. Ils ne disposent pas de la liberté de forer où ils le souhaitent et dépendent entièrement des infrastructures contrôlées par Israël. Nos partenaires locaux sont ainsi confrontés à l’impossibilité d’augmenter leurs ressources autonomes en eau, nous limitant à l’amélioration de la distribution de l’eau – vendue par Israël aux Palestiniens – et à agir sur la non perdition de ces dernières. Cette situation a été exacerbée par la guerre : les conditions de sécurité instables, les checkpoints omniprésents et la confiscation de matériel ralentissent nos interventions. Nous appelons à la levée des barrières qui entravent l’aide humanitaire, ainsi qu’à reconnaître le droit des Palestiniens à leur souveraineté sur cette ressource essentielle. 

Un grand merci à toutes les collectivités et les partenaires engagés à nos côtés.
Pour poursuivre nos actions et répondre aux besoins urgents des hommes, des femmes et des enfants, nous avons besoin de votre soutien.


Pour nous aider à en faire plus : https://hamap-humanitaire.org/jefaisundon/

 

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